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2.1 Examiner le processus historique

2.1.3 La féminisation et l’égalité entre hommes et femmes

Même s’il y a dès maintenant une disponibilité des formes féminines dans le

vocabulaire, l’usage de ces formes n’est pas encore très répandu, et n’a pas mené à une évolution sociale. Il n’est donc pas évident que l’égalité entre les sexes doive être introduite à travers la langue, que ce soit une affaire linguistique dont on parle, mais que c’est plutôt une question politique à résoudre. Il ne va pas non plus de soi que la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre mène à l’égalité (correcte)

entre les deux sexes, elle pourrait même au contraire impliquer chez les femmes une réserve envers cette féminisation. Il existe en France, comme en Norvège, des quotas en faveur des femmes (ou des fois aussi des hommes) concernant un poste d’emploi, et au lieu d’être choisi à ces positions par ses qualifications on peut avoir l’impression d’être choisi pour son sexe. Il faudra plutôt changer l’opinion générale du peuple sur la parité entre hommes et femmes. « Le meilleur moyen de lutter contre les inégalités entre hommes et femmes n’est vraisemblablement pas de dire mais de faire ; non de changer les mots mais les choses. » (Commission générale de terminologie et de néologie 1998 : 2.2).

Accéder aux positions les plus hautes dans la société doit être la parité de droit pour n’importe quelle personne. L’individu doit être considéré et mesuré convenable pour la position demandée uniquement par ses qualifications et ses talents, pas pour son sexe. Il paraît qu’en France, ce n’est pas toujours le cas : « N’est-ce pas l’expression même du sexisme le plus primaire qui sous-entend qu’une femme est incapable de progresser par ses seules compétences et ses seules qualités professionnelles ? » (Bombardier, Laborde 2011 : 18). La situation de travail au Québec n’est pas pareil, selon Bombardier et Laborde. Les Québécois n’acceptent pas cette ambiguïté qui se montre à son désavantage dans le monde de travail en France, où les femmes sont souvent défavorisées. Il existe au Québec une sorte de désexualisation qui mettent une marque distinctive entre la vie privée et la dimension professionnelle. À mon avis, cela veut dire qu’une femme occupant une position ou un titre est appréciée et évaluée tant qu’individu professionnel et ne pas comme une femme en soi ayant cette position ou ce titre. C’est donc important de montrer la présence des femmes dans le monde de travail, qu’elles sont représentées dans toutes sortes de métiers, et ceci peut se faire en appliquant les noms des métiers, titres, grades et fonctions à la forme féminine. La femme a son rôle de professionnelle au travail, et ses rôles de femme, mère, sœur, maîtresse etc. dans sa vie privée qu’il faut traiter séparément. On a des raisons de croire qu’à cause de ces arguments il est plus simple d’estimer la compétence des gens sur leurs qualifications. C’est surtout la tâche prioritaire des féministes en France, comme dans toute l’Europe, la Norvège incluse, de focaliser sur la contribution au progrès de reconnaître les talents dans la femme comme sujet, au même niveau que tout autre, au lieu d’identifier ses capacités par son individu sexué.

Dans l’ensemble on peut se demander et prendre en considération la question suivante : l’égalité entre les sexes, est-ce un fait bien établi dans la société française, québécoise ou norvégienne, ou n’existe-t-il que sur le papier ? Si par exemple on

considère la publicité de façon générale, les femmes figurent le plus souvent comme un objet sexuel, dominées par l’homme. C’est le même phénomène sur beaucoup de

couvertures de magazines où la femme est sexualisée et montrée comme un objet pendant que l’homme est présenté avec du pouvoir et de la dignité. Et si on parle du droit à l’interruption volontaire de grossesse, la plupart d’opposants en sont des hommes. Parlons des violences sexuelles, on voit que la majorité de violeurs n’est jamais emprisonnés. De plus, c’est un fait bien établi que beaucoup de femmes gagnent toujours moins que l’homme.

Quelques faits intéressants à regarder de plus près peuvent être de voir s’il existe une dissemblance entre la Norvège, la France et le Québec quant au nombre de femmes présentes dans leurs parlements respectifs et comment est distribué le congé de maternité. Le nombre de femmes représentées à Stortinget (le parlement norvégien) en 2014 est 67 sur 102 hommes, ce qui constitue un pourcentage de 39,6 % (Stortinget 2014), contre 26 % de femmes élues à l’Assemblée nationale en 2012 (Assemblée Nationale 2014), et 22,1 % au Sénat, ce qui en France fait une sénatrice sur cinq sénateurs (Gouvernement français 2014). Au Québec la situation était de 32,8 % de femmes représentées en 2012, mais le pourcentage a diminué à 27 % en 2014 à l’Assemblée Nationale (La Presse Canadienne, 2014). On voit que le nombre de Norvégiennes représentées à Stortinget est plus élevé et fait presque le double de la partie des Françaises et des Québécoises aux Assemblées nationales, et plus que le double des représentantes françaises au Sénat.

L’autre exemple que j’ai choisi pour illustrer la différence entre la Norvège, la France et le Québec en ce qui concerne la parité des sexes, est le congé de maternité. Les

salariées enceintes ont droit à un congé de maternité d’une durée maximale de 18 semaines continues, et de plus, l’homme a le droit à un congé de cinq semaines continues à l’occasion de la naissance de son enfant au Québec (Commission des normes du travail 2014). En France la durée du congé de maternité varie selon le

nombre d’enfants attendus et le nombre d’enfants déjà à charge : de 16 semaines pour le premier enfant jusqu’à 46 semaines si la salariée attend des triplés ou plus.

L’homme a droit à 11 jours consécutifs au plus pour la naissance d'un enfant, et 18 jours consécutifs au plus pour une naissance multiplie (L’Assurance maladie, 2014). En Norvège, la situation est la suivante : la durée du congé est jusqu’à 59 semaines, où les semaines peuvent être partagées comme on le trouve le mieux entre la femme et l’homme. Mais, il faut prendre au moins 10 semaines chacun, et à partir du juillet 2014, au moins 14 semaines chacun (NAV 2014).

Les conditions sociales se modifient au cours du temps, ainsi que les phénomènes politiques, tandis que les changements linguistiques d’une langue évoluent plus lentement. Voici ce qui est écrit sur la question de la féminisation dans l’avant-propos de la Bescherelle POCHE Orthographe (Kannas 2009) :

Ainsi, parce que les femmes exercent aujourd’hui des fonctions ou des métiers jusqu’il y a peu réservés aux hommes, de nombreux mots s’enrichissent ou peuvent s’enrichir (l’usage tranchera) de formes féminines : la procureure, la préfète (qui n’est plus seulement la femme du préfet !). Nous avons retenu ou proposé ces formes chaque fois que leur usage dans les journaux et les dictionnaires était attesté.

Plutôt que d’être un phénomène linguistique, la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre peut être considérée comme une manifestation sociale et politique. Le désir d’obtenir une évolution sociale des femmes et leur accès aux positions ou aux métiers d’un degré hiérarchique autrefois inaccessible est très présent dans le dessin de féminiser ces mots.

2.2 La question de la féminisation des noms de métiers, titres, grades et