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ANALYSES ET DISCUSSIONS CHAPITRE IV

IV.7 LA PERSONNE GRAMMATICALE

IV.7.2 LA DEUXIÈME PERSONNE

Le tableau 9 montre la répartition des deux futurs français dans le corpus dépouillé et des traductions en norvégien selon la deuxième personne du singulier et du pluriel.

La deuxième personne singulier et pluriel

Tableau 9 : Traduction en norvégien du futur français avec la 2ème personne du singulier et du pluriel

Quand on s’adresse à quelqu’un, il y a facilement une modalité et à la deuxième personne la périphrase [skal + infinitif] semble dans les plupart des cas exprimer une revendication. Si le pronom personnel est à la 2ème personne, le futur simple est préféré pour exprimer l’action future. Il y a des emplois directifs avec la 2ème personne, où le sujet est censé exécuter l’action dénotée par le verbe. Il s’agit d’amener le destinataire à agir d’une façon ou d’une autre. Il y a également l’emploi assertif, où il s’agit plutôt d’une constatation de la part du locuteur (cf.

Sundell, 1991 :52). Le présent en norvégien s’emploie un peu plus souvent avec la 2ème personne et la 3ème personne du singulier qu’avec les autres personnes grammaticales.

Regardons un exemple tiré de Le petit prince :

(47a) Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret. Le petit prince (76)

(47b) Da vil du forstå at din rose er den eneste i verden. Så kan du komme tilbake igjen og si farvel til meg, og da skal jeg betro deg en hemmelighet. (77)

Nous avons en (47a) un dialogue avec une suite de trois futurs simples dans un même contexte. Il s’agit d’un discours direct avec le même sujet (tu) pour les deux premières et la première personne du singulier dans la troisième occurrence. Cependant, la traduction utilise trois expressions de futur différentes, soit les périphrases [vil + infinitif], [kan + infinitif] et [skal + infinitif]. Il y a donc trois façons différentes en norvégien de traduire la même forme de futur en français. La périphrase [vil + infinitif] exprime dans ce contexte la valeur de supposition. Elle renvoie également à l’avenir, mais la valeur de supposition est dominante.

L’emploi de skal s’explique par le fait que le protagoniste fait une promesse à l’interlocuteur.

Cette périphrase n’exprime donc pas uniquement le futur temporel mais une situation modale.

Les futurs à la première personne ont souvent une nuance d’intention.

Regardons un deuxième exemple tiré de Le petit prince :

(48a) «Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : “Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire !” Et ils te croiront fou.» Le petit prince (92) (48b) — Og når du har trøstet deg (for man trøster seg alltid), så vil det være nok for

deg at du har kjent meg. Du vil alltid være min venn. Du vil lengte etter å få le

sammen med meg. Og av og til vil du åpne vinduet ditt for å oppleve denne gleden… Og vennene dine vil bli svært forbauset når de ser at du står og stirrer opp på himmelen og ler. Og da vil du si til dem: «Ja, stjernene får meg alltid til å le.» Og så vil de tro at du er skrullete. (94)

Dans cet extrait, la situation est très simple. Il s’agit d’un discours direct. Nous avons une suite de huit occurrences de futur simple dans le même contexte traduites par sept occurrences de la périphrase [vil + infinitif]. Les chiffres du tableau 1 et les pourcentages du diagramme 2 (voir IV.1) montrent que cette périphrase est assez peu représentée (7%) dans le corpus dépouillé. Cela nous laisse supposer qu’il ne s’agit pas, dans cet extrait, d’une correspondance temporelle systématique entre le futur simple et [vil + infinitif], mais plutôt d’un choix de la part du traducteur. Il peut donc s’agir d’un « suremploi » (cf. III.1.5) de la périphrase [vil + infinitif] de la part du traducteur de Le petit prince. La périphrase [vil + infinitif] est en effet très fréquente dans le roman. 28% de toutes les occurrences du futur dans ce livre se trouvent avec cette périphrase tandis que 14% des occurrences se trouvent avec [skal + infinitif]. Dans Les oiseaux, par exemple, seulement 7% de toutes les occurrences du futur dans cette œuvre littéraire se trouvent avec [vil + infinitif] tandis que 27% des occurrences se trouvent avec la périphrase [skal + infinitif]. Il est, par conséquent, bien possible que le traducteur ait une préférence pour le verbe modal vil. Il a déjà été mentionné (cf. II.2.1) que dans beaucoup de phrases, la périphrase avec vil serait un style soutenu et formel. Il est possible que [vil + infinitif] soit employé pour marquer un effet stylistique. Le sujet est le même pour les cinq premières occurrences et la septième (2ème personne du singulier). Dans la sixième et la huitième occurrence, le sujet est le même (3ème personne du pluriel). Dans cet extrait, le premier futur simple (seras) ne correspond pas à une expression du futur en norvégien. Il a été signalé (voir II.2) que le cas de figure habituel est un présent en norvégien pour traduire le futur simple français dans une subordonnée temporelle introduite par når « quand ». En raison de contraintes syntaxiques, il correspond à un autre temps, dans ce cas-là le parfait, en norvégien (har trøstet). Il ne s’agit sans doute pas ici d’une différence temporelle systématique entre les deux langues en question, mais plutôt d’un choix de la part de l’auteur et du traducteur. Sinon il s’agit de l’agencement du texte, où les deux langues ont des préférences différentes. Le fait que le futur simple est utilisé pour exprimer une vérité générale (cf. le futur gnomique en I.1.3) fait qu’il est préférentiellement associé à toujours (voir en IV.2). Le futur simple exprime la valeur de promesse. Le locuteur s’engage vis-à-vis du destinataire à accomplir l’acte déterminé (cf. I.1.3). [Vil + infinitif] véhicule également une nuance intentionnelle.