• No results found

II- Les cancers

4- La cellule cancéreuse

Les cellules cancéreuses partagent des caractéristiques qui permettent de les identifier, malgré la grande diversité des cancers (Figure 4). C’est une cellule génétiquement instable, capable d’explorer les fonctions de l’ensemble du génome et de mettre à profit tout avantage prolifératif ou migratoire pour le sélectionner et le transmettre à sa descendance. Les gènes considérés comme ayant une implication significative dans la mise en place du processus tumoral sont les proto-oncogènes, les gènes suppresseurs de tumeurs et les gènes de réparation de l’ADN (Weinberg RA 1994, Hanahan D et Weinberg RA 2000).

Figure-4 : Les Six Propriétés Fondamentales d'une cellule tumorale. Adaptée d’après (hanahan and weinberg 2011).

Les proto-oncogènes et les gènes suppresseurs de tumeur coordonnent l'ensemble des réactions biochimiques du cycle cellulaire, du développement, de la prolifération et de la division des cellules ; les proto-oncogènes codent pour des facteurs de croissance, des récepteurs aux facteurs de croissance, des molécules intervenant dans la transduction des signaux mitotiques, des protéines kinases, des phosphatases, des molécules anti-apoptotiques ou des facteurs de transcription.

L’activation de ces oncogènes est un mécanisme dominant qui conduit à favoriser un état permissif pour la prolifération, à permettre la production par la cellule cancéreuse des facteurs

de croissance dont elle a besoin ou à modifier un récepteur de telle sorte qu’il se comporte comme s’il était stimulé en permanence. Alors que les gènes suppresseurs codent pour des protéines inhibitrices de la division cellulaire, ou régulant la différenciation post-mitotique et l’orientation irréversible vers la voie de l’apoptose. La mutation de ces gènes, est principalement liée à la perte de fonction, entraînant ainsi, l’arrêt du contrôle du cycle cellulaire. Les anti-oncogènes p53 et RB sont des gènes très fréquemment altérés dans de nombreux cas de cancers. (Weinberg RA; 1994). Une autre catégorie de gènes majoritairement impliqués dans le développement tumoral est constituée par les gènes de réparation de l’ADN. Ceux-ci codent pour des protéines dont la fonction normale est de corriger les erreurs survenant lors de la réplication de l’ADN au cours de la division cellulaire ou d’éliminer les adduits à l’ADN induits par les cancérigènes chimiques par exemple.

Chacun des systèmes de réparation de l’ADN est donc constitué de complexes multiprotéiques qui sont chargés de repérer les séquences comprenant des erreurs et de les éliminer. L’action de ces systèmes de réparation se produit avant la transition G1/S qui constitue l’une des étapes critiques du cycle cellulaire, puisqu’il correspond au moment de la réplication de l'ADN (Kastan MB et al., 1991) et avant la mitose. La combinaison de l’activation d’oncogènes, l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeur et l’échec du système de réparation de l’ADN, sont responsables de la prolifération cellulaire incontrôlée à l'origine des cancers.

4-2 La signalisation cellulaire:

Une tumeur est une néoformation nécessitant une multiplication cellulaire toujours active ; le support de la malignité des cancers est lié à leur aptitude à se disséminer dans l’organisme ; la capacité de survie est une nécessité pour les cellules tumorales. Toutes les voies de signalisation impliquées dans la prolifération et la différenciation, dans l’adhésion et la migration, dans la survie et la mort, pourront servir de support à des altérations oncogéniques.

Les voies de signalisation sont constituées de protéines interagissant les unes avec les autres en séquences ordonnées. Certaines de ces protéines ont des fonctions catalytiques (en particulier des phosphorylations et des déphosphorylations, assurées respectivement par des kinases et des phosphatases). Elles sont redondantes et interconnectées; il arrive qu’un message que l’on empêche d’aboutir en bloquant une voie donnée puisse quand même être transmis par l’intermédiaire d’une autre voie où en empruntant un chemin détourné. C’est là l’une des principales causes de la résistance aux thérapies ciblées, l’autre étant représentée par les mutations survenant au niveau des cibles thérapeutiques. Ce circuit complexe est résumé

dans la figure 5, ainsi on peut dire que le cancer est principalement une maladie de la signalisation cellulaire.

Figure-5 : signalisation cellulaire et cancer, les gènes reconnus pour être altérés dans les cellules cancéreuses sont marqués en rouge (hanahan and weinberg 2000).

4-3 Le microenvironnement tumoral:

Longtemps limitée au domaine de l’immunologie, l’étude du microenvironnement tumoral prend aujourd’hui en considération les différents éléments entourant la cellule tumorale et les interactions structurales et fonctionnelles entre ces partenaires. Le microenvironnement « normal » est complexe et dynamique. Sa composante cellulaire englobe toutes les cellules avoisinantes : les cellules adjacentes appartenant au même tissu et les cellules résidant dans leur environnement direct (fibroblastes, cellules vasculaires, cellules dendritiques, cellules du système immunitaire, etc.). Ces cellules baignent dans la matrice extracellulaire (MEC), qui est un élément déterminant du microenvironnement. C’est en interagissant avec les composants de la MEC que la cellule peut s’ancrer à une localisation particulière ou au contraire, migrer et se déplacer. Le microenvironnement des cellules tumorales est connu sous le nom de stroma tumoral (Figure 6).

Figure-6 : Les cellules du microenvironnement (adaptée de Hanahan and Weinberg, 2011).

Il diffère « normal » par la composition biochimique de la MEC et surtout par le fait que les populations cellulaires du stroma (fibroblastes, cellules endothéliales, cellules immunes, etc.), bien que non transformées, sont subverties et contrôlées par les cellules tumorales pour répondre à leurs propres besoins. En particulier, les fibroblastes peuvent être activés par des facteurs de croissance tels que le TGFß (transforming growth factor ß), des chimiokines telles que MCP1 (monocyte chemotactic protein 1) et/ou des protéases dégradant la MEC, ce qui conduit à une augmentation de leur potentiel de prolifération et à une sécrétion accrue de protéines de la MEC comme les collagènes de type I, la ténascine C et la fibronectine. Ces fibroblastes activés sont appelés CAF, pour « fibroblastes associés aux cancers » (cancer-associated fibroblasts). Les deux processus, cancérisation et perturbation du microenvironnement, sont intimement liés : l’un participant au développement et au maintien de l’autre, et vice versa.